Une nuit à Valparaiso

 

Porté par les libraires et le bouche-à-oreille, le premier roman d'Alain Jaubert hisse les voiles vers le port du désir !

Pour lire des extraits !!!!!Alain Jaubert a été marin avant d'être journaliste scientifique, chroniqueur musical, enseignant. Réalisateur de nombreux films documentaires, il est l'auteur de la série "Palettes", diffusée depuis 1989 sur Arte et dans le monde entier. Après deux réimpressions, "Val Paradis", sélectionné par la Fnac pour le Goncourt des Lycéens, s'est vendu à 10000 exemplaires.

On connaissait les talents d'Alain Jaubert, réalisateur de "Palettes", qui décortique les chefs-d'œuvre de l'art. A 64 ans, avec " Val Paradis ", il s'embarque pour une nouvelle aventure, romanesque celle-là. Jeune homme, il a été marin. Il a même effectué son service militaire à bord d'un bâtiment de la Marine nationale qui le conduisit en Méditerranée, puis au Venezuela. C'est vers l'Amérique latine qu'il a choisi de hisser les voiles pour camper le décor de son premier roman. Son héros est un jeune marin qui pose son sac, le temps d'une escale à Valparaiso.

L'action se déroule en une seule nuit, dans les années 1950. Pour tous les marins, l'escale est un espoir. Elle peut être aussi un piège. "L'escale commence toujours bien. C'est plus tard que ça se gâte. Elle ne débute pas au moment où nous posons le pied sur le quai. Elle s'est annoncée loin au large, longtemps avant."

Pour le marin à terre, il s'agit alors de "tout parcourir. Tout voir. Tout dévorer". La plupart des ports de la planète sont ainsi conçus qu'ils offrent à leurs passagers ce qu'ils en attendent: de la lumière, de la musique, des putains. Et surtout, un immense terrain de rêve. C'est le paradoxe du matelot: en mer, il rêve du port qui l'attend; sur les quais, il rêve des tempêtes et des terres lointaines qu'on lui raconte. Au gré de ses rencontres dans Valparaiso la magique - avec son dédale de ruelles, ses cascades d'escaliers, ses maisons effondrées -, le marin pénètre dans cette mémoire qui semble n'avoir aucune fin. On lui raconte les tempêtes, les naufrages, la vague traîtresse, les mains gelées de ceux que la mort a pétrifiés dans les cordages, la mer, cette inconnue. Mais à l'escale d'autres lumières, d'autres couleurs brillent aussi.Le héros du roman est irrésistiblement attiré vers "le feu d'artifice des sens". Dans les bras de prostituées, il joue au marin et écoute leurs histoires mi-graveleuses, mi-comiques. Ce n'est pas le port de l'angoisse, c'est le port du désir. Le roman d'Alain Jaubert se transforme en un gigantesque labyrinthe ponctué de défis multiples, clichés sur lesquels il ironise, ou hommages à d'autres écrivains, telle cette variation sur le mythe de Robinson Crusoé où l'île déserte est une sorte de paradis de l'amour et de la sensualité.Quant à Paola, attendue pendant toute l'escale, elle n'arrivera que lorsque le cargo s'éloigne du quai…

Mais comment ses appels pourraient-ils le retenir? La loi de la mer l'emporte. Alain Jaubert décrit magnifiquement la rage des vents, l'échine des lames qui se soulèvent jusqu'au ciel, ou l'océan bleu-noir et orange sous le soleil. Avec la précision des peintres qu'il a analysés, il capte une nuance exacte, un bleu cobalt, le jaune paille d'une lumière, le rose et mauve d'une flaque de sang, ou la rouille brique violette d'une coque de navire. Chaque instant, saisi dans ses formes et ses lumières, prend une fulgurante densité. Dans le tourbillon des images, la fureur des sensations qui assaillent le narrateur, le roman devient alors l'épopée des voluptés et des blessures, des violences et des splendeurs du monde.France Huser

"Val Paradis", par Alain Jaubert, Gallimard, coll. "l'Infini", 436 p., 22,50 euros.

France Huser