Les télévisions de bord sur le pont !
La communication doit être conçue de manière à innerver en réseaux formels ou informels les armées , les unités , les différents niveaux hiérarchiques . (Armées d'Aujourd'hui,Sept.95 ) .

 

Présentations sur le roof TARTAR

 

De la communication embarquée

 

 

Le développement de la communication dans les armées et dans la Marine a connu une évolution grâce à l’apparition de la vidéo. Mais ce vecteur audiovisuel est-il bien adapté aux besoins des équipages ? L’acteur que l’on nomme « la télévision de bord » ne peut-il pas, par ses améliorations , occuper une place privilégiée dans les relations publiques de la Marine de l’avenir ?

Les livres, les mots sont les témoins des grands faits d’armes du passé. Ils restituent l’atmosphère, les coutumes, la vie quotidienne dans les armées .

L’invention de la photographie a permis à l’image de s’immiscer parmi les textes, voire de les repousser au second plan, puisqu’elle s’affirmait le témoin irréprochable d’instants glorieux ou émouvants, disparus à jamais mais fixés irrémédiablement sur la pellicule. Les mots peuvent mentir, déborder dans le domaine de la fiction; la photographie ne s’intéresse qu’au réel, au vécu véritable. On ne peut, a priori, que lui accorder foi.

Une évolution permise par la vidéo

Dans les années 80, le SIRPA (1) s’est approprié une nouvelle forme de média : élargissant les capacités de communication, la vidéo entrait dans les armées. Les perspectives ainsi offertes par ce nouveau vecteur ont permis au SIRPA d’assumer avec plus d’efficacité encore, non seulement sa mission de relations publiques vis-à-vis de la société civile, mais aussi d’assurer la diffusion de l’information au sein des trois armées, relayant le « cinéma aux armées » qui avait les mêmes missions auparavant .

Dans la Marine, la diffusion de la culture militaire s’effectue selon deux voies de communication. La première, officielle et professionnelle, est à la charge du SIRPA/MER. La seconde a un statut bénévole : interne aux batiments de combat, elle permet parfois de réaliser des images qui prendront une valeur officielle.

Les objectifs initiaux des différents projets audiovisuels étaient l’information, l’instruction et la distraction . Actuellement, ils demeurent, et l’évolution de la Marine ne fait que confirmer leur nécessité.

Notamment, en matière de distraction et d’information, l’évolution des programmations a vu s’ajouter à la simple diffusion d’un film le soir la possibilité de retransmettre des cassettes de reportages, de sport, de musique ou d’informations nationales. Le surcroît de travail induit par ces nouveaux moyens pose bien évidemment le problème de la disponibilité des personnels pour les mettre en oeuvre.

Réaliser des informations à bord ou bien des jeux inter-carrés en direct est loin d'être toujours évident pour du personnel qui, déjà, effectue du quart à la mer. Dans ces conditions, même aujourd’hui, avec de gros moyens comme ceux que possèdent les porte-avions, la politique audiovisuelle à bord des batiments mérite d’être mieux définie.

LOGO de TV Cassard

Un projet audiovisuel en phase avec son époque

Cependant, depuis un peu plus de quatre ans, s’est développé sur les frégates antiaériennes « Cassard » et « Jean Bart », un projet audiovisuel qui a permis de révéler puis de répondre à un besoin de l’ensemble de l’équipage.

L’objectif : mettre une vie dans la télévision de bord ! En fait, arriver à lier intelligemment information et distraction, en réalisant des programmes qui sachent garder le contact avec leurs spectateurs.

La recette semble très simple : un local permettant l’enregistrement, le montage, la réalisation; une équipe de bénévoles motivés et ayant le sens créatif; un peu de matériel récent et compatible; une banque de belles images provenant aussi bien du bord que de l’extérieur, et enfin un « logo », véritable identité de référence, que l’on s’attache à faire ressortir au cours d’un générique de début d’émission. A partir de cela, il ne reste plus qu’à réaliser une émission, présentée par une personne de bonne volonté qui maîtrise un tant soit peu les techniques de communication.

L’émission pouvant durer de 30 minutes à près de 2 heures, il est préférable de ne pas compter le temps consacré à sa préparation. L'objectif est de rendre cette émission la plus intéressante possible.

Alors, on constate toujours que l’ensemble de l’équipage apprécie énormément de se voir impliqué au travers des reportages diffusés sur ce réseau bord. Faire varier les thèmes étant une priorité, une provenance inhabituelle de l’image ne peut que renforcer l’intérêt qui y est accordé. Pour cela, il ne suffit pas de rester cantonner à bord, il faut aussi se diriger vers son environnement, et, commencer à rayonner sur tout une force, en tournant à bord des unités qui la constituent. Il convient aussi de ne pas oublier que notre avenir est européen et que nos moyens seront de plus en plus intégrés au sein de l’UEO (2).

Partir à la rencontre d’un détachement de l’ALAT (3). Partager et faire partager l’ambiance d’un porte-avions. Vivre un RAM (4), côté bâtiment ravitailleur. Découvrir de prestigieux sites en escale. Mettre en valeur la passion d’un membre de l’équipage. Autant de thèmes qui sauront communiquer nos différents vécus non seulement à chacun d’entre nous mais aussi à notre environnement, à nos familles.

Ceci n’est pas une tâche facile et le principe suivant s'impose: simplicité et volonté égalent efficacité. Dans cette démarche, ne jamais hésiter à faire intervenir les gens, efforcez-vous même, à aller au devant d’eux.

Interviewer nos chefs, mettre à leur disposition un média intelligent, adapté, apte à faire passer le message quand il le faut. Véhiculer l’information officielle venue des états majors. Présenter une synthèse quotidienne de l’ actualité, réalisée grâce à des sources aussi bien civiles que militaires, pour permettre à tout le personnel d’accéder à l’information ne serait-ce que pour sa culture générale . Voilà les données d’une information efficace à bord.

La télévision de bord rassemble et fait émerger ce besoin de communication qui existe à bord des bâtiments. Un besoin qui grandit au même rythme que les médias civils.

Pour satisfaire ce besoin et assurer la viabilité d’une telle télévision, un partenariat s’impose entre, d’une part, les organismes de communication officiels et, d’autre part, les multiples télévisions de bord existantes. Ainsi, leur avenir à tous deux semble intimement lié.

Présentations dans le studio

Un partenariat s’impose

En effet, le média télévisé à bord des batiments doit constituer un interlocuteur privilégié des différents SAVR (5). Sans lui, bien souvent, l’information officielle resterait, c’est triste à dire, soit dans des tiroirs de bureau, soit sur des étagères encore toute recouverte de son emballage d’origine.

Pour favoriser une meilleure communication, l’idée de partenariat doit donc siéger en très bonne place. Le « retour d’expérience », vers la source de l’information et son diffuseur, est primordial. On parle souvent de la qualité dans la Marine. Cette démarche mériterait d’être élargie à l’ensemble des composantes de sa communication interne. Rassembler les différents acteurs de celle-ci de façon régulière, et sous l’égide des autorités existantes, permettrait certainement d’aboutir à une réflexion très intéressante pour chacun d’eux.

Une brigade audiovisuelle embarquée

Le rythme de la télévision de bord dépend souvent de la disponibilité du personnel qui s’en occupe. L’idée serait d’assurer une continuité de ce média, au moins pendant toute la durée d’une mission. Pourquoi ne pas envisager la création d’une « brigade audiovisuelle embarquée » qui soutiendrait l’équipe de bénévoles déjà à bord. Non seulement cela apporterait une assistance technique mais cela favoriserait aussi un recueil d’images, exploitables par les organismes officiels. Ce détachement serait une bonne opportunité pour ces mêmes organismes de se plonger plus souvent dans les forces vives de la Marine Nationale et de réadapter en permanence sa communication.

L’ouverture aux télévisions de bord dans l’optique d’une participation à un magazine interne aux différentes Forces de la Marine pourrait être envisagée. Voyez l’intérêt de faire partager des images réservées souvent qu’à un certain groupe de personnes, ou de faire vivre des moments forts, inconnus du reste du personnel de la Marine. Mais aussi, propager nos traditions pour ne pas les perdre.

En synthèse de certaines des propositions précédentes, il pourrait être intéressant de créer un concours inter-télévision de bord, renouvelé chaque année. Engager une telle action présenterait de nombreux avantages : la promotion de la Marine Nationale, la motivation des équipes bénévoles et des bords, une certaine concurrence, source d’une remise en cause efficace.

Etant donné le moyen important que constituent les télévisions de bord vis-à-vis de l’information, étant donné l’apparition de certains moyens nouveaux comme le satellite, et l’adaptation obligée face à l’évolution des médias externes, on ne peut négliger l’intérêt d’un tel outil de communication.

Comme le suggérait Jacques Barrat (6), en septembre 1995, « l’armée se doit de mobiliser sa conscience ainsi que toutes les énergies qui couvent en son sein ».

Au moment d’aborder le 21ème siècle, et de s’engager dans une professionnalisation de ses équipages, la Marine Nationale se doit de réfléchir sur les conditions qui aident à maintenir ses hommes aptes à rester ce qu’ils sont, et ont toujours été - marins, militaires et professionnels.

 

Maître Emmanuel GUYETAND

 

(1) SIRPA : Service d’information et de relations publiques des armées .

(2) UEO : Union de l’Europe occidentale .

(3) ALAT : Aviation légère de l’Armée de Terre .

(4) RAM : Ravitaillement à la mer .

(5) SAVR : Service Audiovisuel de Région .

(6) Jacques Barrat : professeur des Universités (Panthéon-Assas Paris II , IFP ) , responsable des enseignements en informations - communication au Collège interarmées de défense .