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Le volcanisme sous-marin



"Une fumée de vapeurs sulfureuses se déroulait au milieu des flots qui bouillonnaient comme l’eau d’une chaudière. Rien n’est jamais terminé dans les parages volcaniques(…), et le globe y est toujours travaillé par les feux souterrains. "


Jules Verne, " Vingt Mille Lieues sous les mers "

La vision de Jules Verne, au moment de l’écriture de son œuvre en 1867, n’est pas loin de la réalité… Grâce à la mission Famous et aux campagnes qui suivirent, les processus volcaniques ont ainsi pu être décrits de manière précise.

La plus grande chaîne de montagnes du globe

Au fond des océans, traversant les immenses plaines abyssales, les dorsales forment un immense serpent sinueux de plus de 65 000 km de long, représentant la plus longue chaîne de montagne de la terre. Les dorsales océaniques peuvent atteindre la hauteur des Alpes ou des Pyrénées (2 000 à 3 000 m d’altitude).

Le feu des abysses

Ces dorsales sont en réalité des chaînes de montagnes volcaniques, liées à l’intense activité se produisant aux frontières entre les plaques tectoniques.
Là où les plaques s’écartent, le long d’une grande fracture, le magma remonte et s’épanche de part et d’autre, sous forme de coulées en coussin ou en bourrelets appelés pillow lava. Ce bourrelet repousse de part et d’autre la croûte plus ancienne, et forme peu à peu, en se refroidissant, le nouveau plancher océanique et ses dorsales.
Au centre des dorsales, on trouve une vallée profonde et étroite correspondant à la zone d’écartement, le rift, d’où remonte le magma.
A l’opposé, là où les plaques se rencontrent, elles se chevauchent (phénomène de subduction), créant de nouvelles failles et de nouveaux volcans, ou glissent l’une contre l’autre provoquant tensions et séismes.
Les collisions entre les plaques sont ainsi la cause de la majeure partie des éruptions volcaniques sous-marines.

Autre découverte : le plancher océanique est hérissé d’une myriade de volcans sous-marins, le plus souvent alignés au milieu d’une plaque. Leur formation s’explique par l’existence de " points chauds ", sorte de poches de magma en fusion, en forme de champignon, qui remontent depuis le manteau inférieur de la terre, perçant la lithosphère comme une flamme de chalumeau.
Les laves émises forment d’abord un volcan sous-marin, qui, en grandissant peu à peu, dépassent parfois la surface, se transformant alors en volcan aérien. C’est le cas de l’archipel Hawaï, dans le Pacifique, dont les îles sont en réalité d’anciens volcans éteints. Seul le dernier, celui de l’île Hawai, est encore en activité. De - 5 000 m de fond jusqu’à + 4 000 m d’altitude, il forme la plus haute montagne du monde avec 9 000 m d’altitude.
Il est très difficile d’évaluer le nombre de volcans sous-marins. Les cartes marines les plus récentes montrent qu’il existe aujourd’hui de 700 à 900 volcans par millions de km2 dans l’océan Pacifique, soit plus de 120 000 volcans sous-marins pour ce seul océan !

Oasis sous-marines

Après la mission Famous, à la fin des années 70, on pensait connaître l’écosystème abyssal dans ses grandes lignes. La collaboration franco-américaine se poursuit avec un programme d’exploration du rift est-pacifique. Soudain, en février 1977, la découverte des oasis sous-marines, au cours d’une plongée du sous-marin Alvin sur la dorsale des Galapagos, bouleverse les certitudes des biologistes.

Hydrothermalisme

Par 2 500 m de profondeur, les deux chercheurs Corliss et Van Andel découvrent, ébahis, une profusion de vie : dans la lumière des phares du sous-marin se dessinent tout un monde de vers géants, de crabes, de poissons rosâtres, de moules géantes… Alors qu’à quelques mètres de là, c’est le désert abyssal !
Un an après, à bord de Cyana, les scientifiques français repèrent des traces récentes et importantes d’activité hydrothermales. Puis, en 1980, français et américains, repartis à bord d’Alvin, observent enfin les sources hydrothermales en activité : les êtres aux morphologies exubérantes grouillent en réalité autour de ces sources à une température d’environ 350°C !

Et si la vie était apparue au fond des océans ?

25 ans après la découverte des oasis sous-marines, l’une des plus importantes de la biologie marine de la seconde moitié du XXème siècle, le sujet est encore au centre de nombreux débats au sein de la communauté scientifique. En plongeant dans les abysses, les scientifiques espéraient effectuer un voyage en arrière de quelques deux cent millions d’années. A l’abri des nombreux bouleversements qu’a connu la surface de la terre, les abysses seraient-elles le refuge d’espèces aujourd’hui disparues sur la terre ferme, qui s’y seraient réfugiées depuis l’ère secondaire ?
Et voilà que la découverte des oasis sous-marines ouvre des perspectives beaucoup plus fantastiques. Et si la vie était apparue au fond des océans, au voisinage des sources hydrothermales ?

Des marmites de sorcières

Lieu de dégagement en grande quantité de molécules minérales et d’énergie chimique, dans un océan primitif où l’hydrothermalisme était beaucoup plus actif qu’aujourd’hui, les édifices hydrothermaux ont pu former de véritables incubateurs.
Les fluides hydrothermaux contiennent en effet, en grande quantité, de nombreux éléments (hydrogène, azote, hydrogène sulfuré, dioxyde de carbone, méthane…) indispensables à la synthèse de molécules organiques complexes, les hautes températures et les pressions colossales favorisant les réactions chimiques.
Dans ces marmites de sorcières, des amas de molécules seraient-elles devenues capables de se diviser en deux molécules semblables et de devenir, au bout d’un temps indéterminé, les premières cellules, ancêtres des organismes vivant sur terre ?

Et sur d’autres planètes ?

On peut rêver plus loin encore. Europa, la lune de Jupiter, possèderait un océan situé sous une épaisse couche de glace. L’activité hydrothermale pourrait s’y développer, alors pourquoi pas la vie ?
Difficile encore de démêler science fiction, hypothèses et certitudes scientifiques. Le domaine abyssal recèle encore bien des mystères et des portes à ouvrir…