Emotions pakistanaises !

 

Depuis ce matin la Jeanne est à Karachi, le Pakistan est l'un de ces pays que nous croyions connaître. Dès notre premier regard sur ce peuple nous comprenons que rien ne sera facile.

Ici les libertés individuelles sont régies par d'autres lois, la mafia règne en maître. Le peuple est asservi par lui-même, tout ceci dans un climat de guerre larvée, les espions sont partout, tout le monde est espion.
La misère, nous la vivons en direct, au pied du bateau quelques pêcheurs nous font la démonstration de leur agilité. Agilité est un grand mot, les poissons nagent à fleur d'eau totalement asphyxiés par la pollution. Il faut quand même se rendre à l'évidence, ils savent y faire, un mètre de fil, armé d'un hameçon, le but du jeu est d'agrafer le poisson qui passe mollement à leur portée.

Depuis notre entrée dans les passes de Karachi, tel un documentaire, le fil de la journée enchaîne ses séquences, haute en couleurs presque irréelles, nous voyons défiler devant nous des tranches de vie, un vrai défi aux lois de la mécanique et de la nature. A vingt marins par esquifs de dix mètres nous assistons à un défilé nautique, départ vers les hauts fond, Prévert aurait dit "à pied, à cheval, en voiture et en bateau à voiles" ici rien de tout cela, à la rame ou signe d'une certaine richesse du patron pêcheur, à moteur, bateau machine, extraordinaire: moteur de voiture, monté sur un axe, prolongé d'un arbre achevé par une hélice qui dans un bruit assourdissant propulse d'immenses gerbes d'eau.



En ville des bus multicolores, d'un autre âge nous attendent, l'air est lourd pratiquement irrespirable, où sommes-nous? Cette région est peu engageante, nous nous prenons à regretter les Pays Arabes Unis que nous venons de quitter.

Mais venons en au fait qui nous intéresse, à bord je suis chargé de la logistique et du dédouanement des pièces qui viennent de France, le circuit est bien rodé et l'ambassade m'envoie régulièrement des émissaires locaux qui "pratiquent" les procédures logistiques autochtones. A Karachi comme ailleurs l'attaché de défense s'était surpassé, il avait fait appel à une société locale, réputée pour son efficacité à réaliser les mouvements douaniers.
Notre marine comme toute société veut fonctionner en flux tendu pour les stocks de matériels, il est donc de la plus haute importance que chaque maillon de la chaîne fonctionne sans grippage. Dès le premier jour de notre arrivée, vers les 15h00 notre émissaire arrive, à cet instant, je me dis, record battu ! Aucun autre n'a fait mieux dans le domaine, une perle rare ! Nous faisons ensemble l'inventaire, complet !!! Excellent monsieur ! Afin de marquer ma reconnaissance, il me propose de lui écrire une lettre de recommandation, référence qu'il pourra présenter lors de ses futurs marchés.

Sur cet élan de sympathie je lui propose de visiter le "GERMINAL", notre conserve, quelques colis lui sont destinés et je profite de son véhicule pour lier l'utile à l'agréable.
La visite est agréable chacun mettant un point d'honneur à le remercier. C'est enchanté que nous nous décidons à rejoindre la Jeanne. A peine sommes nous montés dans sa voiture, qu'une dizaine de personnes arrête le véhicule. A cet instant, mon sang ne fait qu'un tour et je me prépare "à ramasser la tournée de ma vie". Nos agresseurs tapent sur la carrosserie, ils nous entourent et profèrent des paroles que je ne comprends pas. Un moment je pense ouvrir ma portière pour prendre le large, mauvaise idée ! Un des hommes me montre du doigt et me fait signe de ne pas bouger, mon coéquipier a compris, et me fixe, résigné, il ouvre sa portière, je suis bloqué, il sort, une avalanche de coup tombe sur le pauvre, je suis paralysé par autant de brutalité, l'incident ne dure pas très longtemps les "justiciers" traînent lamentablement le corps de l'homme vers un endroit plus isolé. Je reste seul, tremblant, un des agresseurs se retourne et me fait signe du doigt, j'ai compris, je n'ai rien vu. Horreur, je ne sais quoi penser, tout c'est passé si vite, la voiture reste ouverte et je rentre à pied vers la Jeanne, secoué.


Deux jours plus tard un vieil homme me demande à la coupée, il me parle de façon agressive, dans un anglais que je n'ai pas de mal à comprendre, il désire récupérer les papiers de dédouanement du matériel, je ne me fais pas prier, le dialogue n'est pas possible.
Mon inquiétude n'est pas assouvie, je demande à l'attaché de défense de se renseigner. Voici la version que les autorités lui ont donnée : " mon émissaire, lors de son passage à la porte du port du port n'a pas voulu donner son bagchich aux policiers " quand nous sommes partis, il était en prison et la voiture était toujours ouverte sur le quai.

JY MOMO

 

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